Créé au "Jardin" en octobre 98. Il nous revient après un beau voyage.
Au gré de son imagination fertile exercée à voir dans le noir, Thomas Gunzig, avec la voix, le psychique et le physique de Jean-Pierre X, nous "balance" en pleine figure ce "quelque chose qu'on avait pas vu". Violence brutale, désarmant l'irrésistible rire qu'elle provoque. Elle nous laisse sans mots à la source de nos maux.
Une belle performance d'acteur.
Laissons parler les autres :
THOMAS GUNZIG : NOUVEAU BECKETT ??
Terrible ! Terrifiant ! En plein estomac ! Fascinant ! Tonitruant ! Epouvantable ! A s'enfuir ! Mais on reste ! Oui, on reste. Parce qu'on est sûr que le comédien qui se déchaîne au bout de la salle vous rattraperait par le fond du pantalon si vous esquissiez un mouvement de sortie.
Un tout petit lieu de théâtre : "Le Jardin de ma Soeur". Avec une scène minuscule mais de l'espace entre les tables et un plafond pas trop écrasé qui peut laisser monter les coups donnés dans le grand bidon qui office de grosse caisse, de table de poubelle, de puits sans fond.
Le comédien, Frederik Haùgness, cuvée IAD 1996, nous l'avions déjà vu, notamment au Rideau de Bruxelles, dans "Skylight", "Les cahiers de Amy Thomas", "L'Odyssée" ou encore "Temps de bonheur".
Cette fois, il tient à lui seul, prodigieux protée, équilibriste sur le trapèze des mots, clown qui prend tous les visages comme dans un nô japonais, pendant près d'une heure et demie, tous les rôles d'une bande de mauvais garçons, d'ouvriers, de jeunes déboussolés d'aujourd'hui qui disent leur désarroi, leur désespoir par la violence et le meurtre et par un langage limité, à répétition, à ritournelles mentales. Ils attendent Godot mais ne le savent pas. Leur "Fin de Partie" n'est pas celles des vieux sur le trottoir, mais leur propre errance sans étoile ni lendemain. Quand la femme est évoquée, cela tourne court, et mal. L'entraînement aux meurtres collectifs, loin, de villageois sans visage, est un bon prélude au lavage de cerveau, ici, de jeunes sans amour.
MISE EN SCENE DE JULIEN ROY
Nous voici devant un Beckett qui aurait rencontré le ras-des-jours de Thomas Bernardt et les explosifs de William Cliff. Poésie ? Théâtre , Non, mais tout à la fois dans ces nouvelles de Thomas Gunzig qui tiennent la scène comme l'enfer le monde. Des nouvelles qui avaient divisé de façon passionnelle, en 1993, les membres du jury appelés à décerner le "Prix de l'Etudiant de la Ville de Bruxelles". Une moitié du jury était prête à démissionner, l'autre moitié à couronner celui qu'elle tenait pour un écrivain neuf et original. Finalement l'étudiant en Sciences Po, Thomas Gunzig, né en 1970, a été couronné pour son premier recueil de nouvelles, "Situation instable penchant vers le mois d'août".
Aujourd'hui, la nouvelle chance de Gunzig, ce n'est pas seulement son deuxième recueil, "Il y avait quelque chose dans le noir qu'on n'avait pas vu", mais c'est surtout peut-être, de se voir porté pour la première fois à la scène par Julien Roy, ce comédien metteur en scène dont on sait qu'il ne recule devant aucune audace, aucune vraie nouveauté, et qu'il fouille les textes jusqu'aux racines. Notamment récompensé par le prestigieux "Prix Tenue de Ville 1997" pour sa mise en scène de "Pélléas et Mélisande" au Théâtre National, Julien Roy a su reconnaître en Gunzig "une jactance d'autant plus drôle et corrosive qu'elle semble ignorer les contraintes (...). Jusqu'à rester sans mots à la source de nos maux".
Un grand spectacle dans un petit théâtre. La naissance d'un auteur tellement engagé dans notre temps qu'il deviendra impossible de l'ignorer."
LUC NORIN (La Libre Belgique du 31/10/1998)
QUI CONTRIBUE A CE SPECTACLE?
Texte: Thomas Gunzig
SUR LES PLANCHES
Interprétation: Frederik L. Haùgness (Jean-Pierre X)
EN COULISSES
Mise en scène: Julien Roy
PRODUCTION
KABBALE ASBL